Suite à son intervention lors de la rencrontre des entraineurs 2023 mis en place par la FFTRI, le week-end du 28/29 janvier, Patricia Bertoliono (vice-présidente de la ligue et membre de la commission technique en charge de la prévention des violences) revient sur le thème évoqué.
Tu as participé à une journée d’étude qui s’adressait aux entraîneurs de la Fédération, et qui abordait notamment le thème de la prévention des violences dans le sport, pourquoi cette intervention ?
J’ai été contactée par Nadège Garcia, CTN et responsable du secteur prévention à la Fédération de Triathlon. Elle avait participé, avec Nicolas Billard, au séminaire des entraîneurs de la Ligue du 11 novembre 2022. Nous avions, ce jour-là, abordé la question de la prévention des violences dans la relation entraineur/ entrainé, avec les témoignages de triathlètes de haut niveau. Benjamin Maze (DTN à la FFTRI) souhaitait aborder cette thématique lors de la journée d’étude des entraineurs nationaux en janvier 2023.
Sens-tu les entraîneurs réceptifs à ces interventions ?
C’est toujours un sujet sensible qu’il nous faut aborder avec beaucoup de précaution afin de rendre réceptifs tous les participants. C’est pourquoi notre proposition, lors de cette intervention à l’INSEP, a été d’aborder la question de la sécurité affective et de la bienveillance, dans un premier temps pour pouvoir ensuite parler de maltraitance. A travers des approches multidimensionnelles : neurologiques, psychologiques et physiologiques. Cette dernière dimension nous a permis d’évoquer la question des cycles menstruels chez les triathlètes féminines. Nous constatons que ce sujet est encore trop tabou. La non prise en compte de cette spécificité chez les féminines, notamment dans la programmation des entrainements lors de la période prémenstruelle peut être une forme de maltraitance pour certaines.
De façon générale, les entraineurs sont de plus en plus sensibles à l’accompagnement psychologique des athlètes parce qu’ils ont bien conscience que cette dimension a un impact non négligeable sur la performance sportive, d’une part, et d’autre part qu’il est de leur responsabilité d’être attentif à l’équilibre psychique des individus qu’ils entrainent. Prendre soin de l’autre tout simplement. Le sport ne doit, ni ne peut, être la fabrique de troubles ou de pathologies psychiques
Est-ce qu’il y a des mesures qui ont déjà été prises par la FFTRI suite à ces interventions ?
Je ne pense pas que la fédération ait attendu cette intervention pour commencer à mettre en place des mesures mais effectivement plusieurs axes de réflexion ont émergé et méritent, en mon sens, une suite. Dors et déjà la question de la santé mentale des athlètes est abordée au cours des formations des brevets fédéraux et s’inscrit comme un axe important dans le plan de développement de la FFTRI. Cédric Gosse (président de la Fédération française de triathlon) nous l’a rappelé lors de l’Assemblée générale de notre ligue le 11 mars 2023. Les CTN, notamment Gérard Honnorat, veillent à ce que les athlètes de haut niveau soient préservés dans leur intégrité et bénéficient d’un encadrement bienveillant à l’égard de leur santé mentale et physique.
Nous sommes dans un sport exigeant, et encore plus lorsque l’on vise ou l’on entraine le haut niveau. Et même si l’objectif prioritaire est la performance il est impératif de prendre soin de l’athlète, de l’individu, de sa santé et de son avenir. Que va-t-il se passer pour lui après sa carrière de sportif de haut niveau? parce que sa carrière va nécessairement s’arrêter un jour. Qu’a-t-on pu mettre en place avec cet athlète pour préparer cette sortie? De qu’elle fin de carrière parle-t-on? de retraite? de blessure? de burn out? Autant d’inconnues et d’incertitudes qui nécessitent un accompagnement.
La Ligue Provence-Alpes-Côte d’Azur est-elle en avance sur ces sujets ?
Oui, je pense qu’elle l’est. Cela fait plusieurs années que La ligue Provence Alpes Côte d’Azur prend très au sérieux cette question. Pour ce mandat, le conseil d’administration, avec Gérard Oreggia, à sa présidence, a décidé de créer une « Commission Prévention » qui traite de la prévention de toutes les formes de violences. Quelles soient physiques ou psychiques. Cela nous a permis de mettre en place des actions en direction des entraineurs, dans le cadre de séminaires, et en direction des écoles de triathlon et des jeunes triathlètes, lors des stages.
Pourquoi es-tu investie dans ce combat ? Y’a-t-il une raison particulière ?
Je ne sais pas si l’on peut parler de combat mais plus d’évidence. Je suis psychologue clinicienne. Je travaille auprès de patients hospitalisés mais également de sportifs de haut niveau. Il est donc évident que, dans ma pratique clinique, la santé mentale des individus soit centrale.
Le sport permet de créer les conditions du bien-être et de l’équilibre psychique. Mais il arrive, malheureusement, que pour certains athlètes les exigences du sport à haut niveau les amènent du côté psychopathologique de la relation à l’effort et à la performance. Trop de sportifs en souffrances psychiques, nous arrivent en consultations, pour ne pas les entendre. Quand la tête dit « je ne peux pas », « je ne peux plus », « c’est trop », difficile d’amener un athlète à performer. Et il est évident qu’amener un compétiteur à la performance, ce n’est pas l’amener au burnout. Il existe un équilibre fragile qui nécessite de pendre en considération plusieurs dimensions. La vie sportive/ la vie sociale et familiale/ la vie scolaire ou professionnelle. L’équilibre de ce triptyque doit en permanence être ré-interrogé car il nécessitera des réajustements réguliers.
La santé mentale des athlètes doit être prise encore plus au sérieux chez les plus jeunes. Ils sont en plein développement et en pleine croissance. Pour les plus grands d’entre eux, les semaines bien remplies avec 10H à 20h d’entraînements semaine, pour certains, et pas d’aménagement scolaire pour la plupart. On arrive très rapidement à atteindre le seuil de saturation du psychisme et de surcharge cognitive qui peut laisser apparaître son lot de symptômes.